HenriI Duez est un véritable « Monsieur Vélo » dans le Nord-Pas-de-Calais. Quand il ne donne pas le départ d’une
course, il la parraine; quand il ne la parraine pas, il la soutient! Il est partout où l’on cause cyclisme. Et à 74 ans (depuis le 18 décembre dernier), l’ancien coureur professionnel originaire de La Comté n’oublie jamais de faire ses quatrevingts kilomètres quotidiens. Un bon client pour la presse qui revient régulièrement sur ses six Tours de France (14e en 1965), sa victoire au Tour de Catalogne en 1961, mais laisse souvent de côté sa participation aux Jeux olympiques de 1960 à Rome.

« Bien sûr que je m’en souviens de ces Jeux, lâche Henri. Une ambiance extraordinaire, une chaleur torride. » Et une décevante 7e place le vendredi 26 août pour l’équipe de France des 100 kilomètres contre-lamontre; équipe composée de Roland Lacombe, Jacques Simon, François Hamon et Henri Duez : « On pensait au podium et nous avons été décevants, sans doute esquintés par les 40°, notre sélectionneur Robert Oubron faisait la tête ». Henri Duez n’a pas traîné à Rome où les Jeux se poursuivaient jusqu’au 11 septembre, terminant sa saison en roue libre avant de rejoindre le peloton professionnel et la formation Peugeot quelques mois plus tard.

Henri Duez, physique de jeune premier, toujours prêt à resserrer les rayons !

Ma che calor !

À la fin des années cinquante, Henri était un « pur amateur » sur qui la Fédération française de cyclisme misait énormément pour les Jeux de Rome. Licencié au Club vélocipédique de Béthune en 1956 et 1957 puis au Vélo-club de Courbevoie-Asnières à partir de 1958, intégré au Bataillon de Joinville en mars 1959 durant son service militaire, Duez avait gagné cette année-là le contre-la-montre de la Route de France ; terminé 7e de la course en ligne des Jeux Méditerranéens à Beyrouth en octobre. En 1960, le routier béthunois avait fini 25e de la Course de la Paix (la course emblématique des « pays de l’Est »). Quatre mois avant le rendez-vous romain, il avait dominé l’épreuve en ligne et le contre-la-montre des Jeux sportifs de la Communauté française à Tananarive (Madagascar). Et le 13 août, en Allemagne de l’Est, il finissait 45e du championnat du monde amateur. « Le journal l’Équipe avait annoncé que j’étais le premier présélectionné pour Rome et c’est dans la 4- Chevaux paternelle alors que je partais faire des courses à Béthune que j’ai appris la composition définitive de l’équipe de France… lors du flash de midi sur Radio Luxembourg. J’avais pris mon petit transistor. » Rhabillé de pied en cap à « La Belle Jardinière », le grand magasin parisien : « J’ai encore la valise! » Rhabillé pour les Jeux, « mais pas de bourse, pas un rond, l’amateurisme au sens le plus noble du terme ».


Au village olympique de Campo Parioli, construit pour ces Jeux, Henri Duez fit la connaissance des Michel Jazy, Michel Bernard… Un village où l’on ne pénétrait qu’en montrant patte blanche : « Le docteur Georges Barbier, de Divion, était venu à Rome et voulait me saluer, il n’a pas réussi à rentrer! » Finalement, de cette chaude matinée du 26 septembre 1960, Henri ne garde que des souvenirs amers : « Je me sentais moyen, nous sommes toujours restés à quatre mais j’avais peur des gros relais de Lacombe ». Roland Lacombe et Henri Duez sont restés de grands amis, se retrouvant régulièrement dans le Pas-de-Calais ou dans l’Indre…


Lacombe - qui avait terminé 12e de la course en ligne à Rome - est décédé le 26 novembre dernier à l’âge de 73 ans. « Une page s’est tournée » dit avec émotion Henri Duez qui depuis la mort de Stablinski fait figure de « dernier des Mohicans » dans le Nord - Pas-de-Calais… L’un des derniers «forçats de la route» ayant disputé le Tour et les grandes classiques à la fin des années 50 et au début des années 60. Henri Duez, un champion humble et sympathique dont la carrière devrait en 2012 faire l’objet d’un livre rédigé par l’un de ses « fans », Gérard Darques. Avec évidemment quelques pages sur la grosse chaleur romaine.
                                                                        Chr. Defrance

Jeux de Rome: Bikila et la « Gazelle noire »

Terminant loin derrière les Italiens, les Allemands et les Soviétiques, l’équipe française du 100 kilomètres contre-lamontre a participé au fiasco général du cyclisme tricolore à Rome ! Aucun podium. Cinq médailles d’or sur six en revanche pour les Italiens et pour la première fois un Soviétique, Viktor Kapitonov, s’imposant dans la course sur route individuelle. L’épreuve des 100 kilomètres fut également marquée par un drame : le décès du coureur danois Knud Enemark Jensen (deuxième sportif à décéder lors de Jeux) victime d’une insolation mais l’autopsie révéla des traces d’anphétamine, ce qui accentua les pressions exercées sur les autorités sportives pour introduire des contrôles du dopage.
5 348 athlètes (610 femmes) de 85 pays participèrent à ces Jeux où les Français ne brillèrent guère… Le « roi » de Rome fut Abebe Bikila, athlète éthiopien et premier héros de l’athlétisme africain. Il remporta le marathon - le plus rapide de l’histoire olympique - à la surprise générale, en ayant couru pieds nus ! Et la « reine » fut la « Gazelle noire », l’Américaine Wilma Rudolph médaillée d’or sur 100 mètres, 200 mètres et 4 x 100 mètres. Née en 1940, dix septième d’une famille de vingt enfants, Wilma touchée par la poliomyélite ne put marcher puis courir qu’à l’âge de 11 ans… Elle mit un terme à sa carrière en 1962 et devint institutrice. La belle « Gazelle noire » mourut en 1994.

Comme « Henri », Raymond Réaux est né un 18 décembre! Mais en 1940, à Ostreville, un petit village du Ternois qu’il n’aurait sans doute jamais quitté s’il n’avait pas accompli une très honnête carrière cycliste. Madagascar,
Beyrouth, les pays de l’Est : ces voyages sont restés gravés dans la mémoire de Raymond Réaux, davantage que les résultats d’ailleurs. Et l’Italie bien sûr. Rome et les Jeux de 1960. Réaux faisait partie des bons coureurs amateurs « couvés » par la Fédération. Vainqueur de Paris-Évreux, de Paris- Cayeux, 2e de Paris-Arras en 1959, il se retrouva logiquement en équipe de France à Rome. Retenu pour l’épreuve individuelle sur route, sur le circuit de Grottarossa, le mardi 30 août. Comme Henri, Raymond eut très chaud… Il fut aussi très malchanceux, cassant son dérailleur dans le dernier tour. Un incident mécanique qui l’empêcha de se mêler au sprint final « alors que j’avais la réputation d’aller assez vite! » Il se classa finalement 50e à 3’20’’ de Kapitonov qu’il avait rencontré sur la Course de la Paix, course qui reste son plus beau souvenir.